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Résumé

À la suite de la démission de M. Y. Fabès, alors directeur de l’école de design l’Ensci les ateliers, les représentant.e.s des élèves et du personnels entrent en contact avec les deux tutelles de l’école - le Ministère de la Culture et le Ministère de l’Industrie - pour préparer au mieux la nomination d’un.e nouveau.elle directeur.ice. L’école reçoit alors les 3 dossiers de candidatures retenus. Deux d’entre eux sont intéressants, mais le troisième, celui de M. R. Fenzy, inquiète les élèves et le personnel car jugé très en dessous des attentes de l’école. Les représentant.e.s de l’école en font alors part aux tutelles. Malgré un vote du Conseil d’administration également en sa défaveur, le Ministère de la Culture annonce la nomination de M. R. Fenzy à la direction de l’Ensci.
Les élèves décident alors de contester cette nomination arbitraire et lancent le mouvement « L’Ensci fait le mur.
Suite à cette mobilisation « L’Atelier qui s’invite », atelier regroupant une quinzaine d’élèves est créé pour travailler sur les problématiques soulevées lors du mouvement. Lors de cet atelier, un groupe d’élève se charge de mettre en forme la mémoire du mouvement.
Elle est constituée d’une chronique co-écrite par les élèves qui se sont investi.e.s, durablement ou ponctuellement, depuis le départ de M. Y. Fabes jusqu'à la démission de M. R. Fenzy, ainsi que les témoignages recueillis des élèves pour avoir d’autres points de vue, plus subjectifs.
Ce récit polyphonique permet de créer plusieurs grilles de lecture : le récit factuel des étudiant.e.s ayant porté le mouvement et les ressentis de l’ensemble des élèves.
Après la victoire que représentait la démission de M. R. Fenzy, il nous a semblé important de créer un support retranscrivant nos actions, pour plusieurs raisons. Premièrement, l’ambition et l’organisation nécessaires pour créer un mouvement si fort n’aurait pas été si évidente sans l’aide apportée par les documents retrouvés d’autre manifestations des élèves de l’ensci, notamment ceux de 2001 et de la « Jaunisse » en 2014. Ils ont montré aux élèves l’impact que pouvait avoir un mouvement, ainsi que des exemples possibles de mobilisation (blocage, site internet, relais dans les média etc…). Nous voulions enrichir cette documentation avec la mémoire de notre mouvement pour donner un exemple de plus au futures génerations d’enscien.ne.s. Deuxièmement, nous avons regretté de ne pas trouver plus de contexte dans ces ouvrages : quels en ont été les éléments déclencheurs, qui portaient le mouvement, sur quels temps etc… Le temps dégagé par la création de « L’Atelier qui s’invite » nous a permis d’élaborer un ouvrage allant plus loin dans cette démarche, pour apporter le plus de clés possibles lors de futurs mouvements. Enfin, il nous semblait intéressant de décrire les outils que nous avons utilisé et ainsi de les transmettre. Ainsi, nous voulons permettre aux enscien.ne.s qui auraient besoin de créer un mouvement de moins tâtonner que nous, sans pour autant avoir la prétention leur délivrer un « kit » pour une mobilisation réussie.
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Historique


1ère période : Prémisses

13/02
Yann Fabès annonce sa démission suite à un désaccord avec le ministère de la Culture sur son statut administratif. Il quittera ses fonctions le vendredi 1er Mars.

19/02
Les élèves de l’ENSCI, inquiet.e.s par la vacation du poste de direction, envoient une lettre à leurs tutelles, ministère de la Culture et ministère de l’Economie et des Finances. Les membres du personnel adoptent la même démarche. Au fond de cette inquiétude, il y a un historique de nominations difficiles de la direction, marqué par plusieurs différents.
Lettre des Élèves
Lettre du Personnel

01/03
La démission de Yann Fabès est effective. Anne Nouguier est nommée directrice par intérim.

16/05
Suite aux lettres du 19 février, Mme S. Tarsot-Gillery, Directrice de la Création Artistique (DGCA - ministère de la Culture) vient rencontrer les élèves et le personnel de l’ENSCI. Elle assure que les procédures de recrutement sont en cours, et que l’école devrait avoir un.e directeur.ice pour la rentrée 2019. Elle demande aux élèves d’énoncer des caractéristiques du profil type du ou de la directeur.ice attendu par l’école, afin de pouvoir guider le comité lors des entretiens.

25/06
Suite à la présélection par les tutelles, 3 candidat.e.s parmi les 11 postulant.e.s sont présenté·e·s aux membres du Conseil d’Administration.

03/07
Suite à une demande de certain.e.s élèves, les élèves élu.e.s diffusent les notes d’intention des candidat.e.s aux autres élèves et décident d’organiser des visioconférences afin de s’entretenir avec les trois candidat.e.s :
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04/07
Plusieurs élèves opèrent les entretiens : de 10 à 11h Monsieur R. Fenzy, de 16 à 17h Madame J. G, de 17h30 à 18h39 Monsieur E. M. Monsieur E. M et Madame J. G sont estimé.e.s convaincant.e.s. Un sondage par vote est également envoyé sur la mailing list et obtiendra le même résultat. Le personnel, consulté par les élèves, est en accord avec ces dernier.e.s. Les élèves produisent un argumentaire écrit qui sera lu au Conseil d’Administration.

05/07
Le Conseil d’Administration a lieu. Sont présent·e·s les représentant·e·s des tutelles (Culture et Économie), des membres du personnel, des élèves ainsi que des professionnel·le·s du design. Après présentation des candidat.e.s, discussions et débats, les élèves élu.e.s lisent l’argumentaire écrit – résumé des débats de la veille – et exposent ainsi leur position.
Un vote est proposé par M. A. Boilevin, personnalité qualifiée et Président du CA par intérim. Au moment du vote, le représentant du Ministère de l'économie et des finances propose que les représentant.e.s des tutelles s’abstiennent, considérant qu’en réalisant une présélection, elles se sont déjà prononcées. Les représentant.e.s de la culture décident néanmoins d’exprimer leur préférence. Le bilan :
- 11 voix pour Mme. J. G
- 7 voix pour M. E. M
- 4 voix pour M. Fenzy

Les 4 voix pour M. R. Fenzy ne viennent d'aucun membres de l'école.
Cet avis est remis aux tutelles. Elles seront décisionnaires, mais dans les faits, le ministère de la culture tranchera, et celui de l‘industrie nous dit se ranger à son avis.

24-25/07
Des rumeurs circulent à l’école concernant l’éventuelle nomination de M. R. Fenzy. Le personnel envoit le 24 juillet une lettre aux ministères, les élèves font de même le 25. Ces lettres réaffirment leur opposition à cette nomination, elles sont en parallèle transférées aux membres du Conseil d’Administration.
Lettre des Élèves
Lettre du Personnel

30/07
M. J. Mazoyer, membre du CA en tant que professionnel et représentant de l’Alliance France Design (AFD), ancien élève de l’école, présent lors du Conseil d’Administration et ayant voté pour M. R. Fenzy, adresse une lettre au Ministère pointant le désaveu du CA suite à sa consultation. Il s’inquiète et questionne donc le réel poids du CA notamment dans des moments si importants. Il demande aux Ministères de tutelle des éclaircissements sur le rôle des administrateur.ice.s et émet une réserve sur la poursuite de son mandat au sein du CA.
Lettre de J. Mazoyer

06/08
Le conseil d’administration de l’AFD - 1er syndicat du design- nous soutient également, en envoyant une lettre aux Ministères. Au cours de l’été, des candidat.e.s sont également recherché.e.s pour la présidence du CA dont le poste est vacant depuis quelques temps. Mme. C. Guisset, ancienne étudiante de l’ENSCI pressentie, ne prend finalement pas la présidence du CA.
Lettre de l'AFD

02/09
Les élèves apprennent qu’un rendez-vous a lieu au niveau du Ministère de la Culture, ils.elles n’en connaissent pas l’issue. Une table ronde dans la cour est organisée. Les élèves, n’ayant pas d’informations claires, décident de contacter directement M. R. Fenzy. Ce dernier affirme être en lice pour prendre la direction de l’ENSCI. Les élèves l’informent alors que suite à vote collectif des étudiant.e.s, du personnel et du CA, le projet proposé dans sa candidature n’était pas convainquant.

04/09
Les élèves, s’entretiennent au téléphone avec la directrice de la DGCA – Mme S. Tarsot-Gillery – afin d’exprimer leur inquiétude quant à la future nomination de M. R. Fenzy et tenter de comprendre ce qui motive cette décision. Mme S. Tarsot-Gillery avance que les deux autres candidat.e.s doivent continuer leur mission à leurs postes respectifs. Elle loue également les qualités de gestionnaire de M. R. Fenzy.

20/09
La DGCA, sur proposition de M. F. Riester, Ministre de la Culture, propose aux élèves de rencontrer le binôme M. R. Fenzy et Mme S. Diakité Kaba, nouvelle Présidente du CA, le 23 Septembre. Mme A. Nouguier est aussi invitée. Les membres du personnel ne sont pas spontanément invité.e.s par la DGCA.

23/09
Les élèves invitent deux membres du personnel à cette réunion, l’invitation officiel de la DGCA leur sera envoyée à 9h30.
À 10h, la réunion débute à la DGCA, elle durera 3h. Les étudiant.e.s interrogent M. R. Fenzy sur son projet et sa vision pour l’école. Cette discussion ne convainc pas les représentant.e.s de l’école. M. R. Fenzy ne semble pas porter de vision pour l’ENSCI, il fait valoir une période d’observation et explique ne pas vouloir imposer de feuille de route pré-établie.
Compte Rendu de la réunion

En fin d’après-midi, une assemblée générale est organisée à l’ENSCI. L’opposition à la nomination de M. R. Fenzy et au processus de recrutement mené par les ministères ainsi que l’absence de prise en compte de l’avis du CA est maintenue. Il est décidé d’organiser une manifestation le lendemain après-midi devant les locaux de la DGCA.

2ème période : Intensif Manif


24/09
Après une matinée de préparation, un groupe d’environ 70 élèves manifestent devant la DGCA. Une délégation de 6 élèves est reçue dans l’après-midi par Mme S. Tarsot-Gillery, Mr Perrault, Mme Chapus et Mr Brunaux. Ils et elles réitèrent leurs arguments et leurs revendications en demandant la mise à l’écart de la candidature de M. R. Fenzy au profit d’un.e des deux autres candidat.e.s. La DGCA argumente à nouveau le choix du ministre par la volonté de proposer un deuxième mandat pour Mme J. G et par le fait que M. E. M n’ait jamais dirigé d’école nationale auparavant. M. R. Fenzy a, selon la DGCA, plutôt bien réussi sa direction précédente. Il est également précisé que M. R. Fenzy est actuellement libre et souhaite comme les deux autres candidat.e.s être nommé à la tête d’une école. Les élèves indiquent qu’à la lumière de ces arguments, la nomination de M. Fenzy semble donc être un choix par défaut, et non décidé en fonction du projet porté pour l’ENSCI. A la fin de la rencontre les élèves obtiennent de la DGCA qu’elle transmette leurs revendications aux ministres. Elle s’engage alors à échanger avec M. F. Riester dans l’après-midi et annonce revenir vers les élèves d’ici à la fin de la semaine en cours.
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29/09
La semaine est passée et la DGCA n’a pas recontacté les élèves.


3ème période : Attente


26/09
Les élèves envoient des lettres d’invitation aux ministres leur demandant de venir les rencontrer directement, afin de faire valoir leurs arguments et leur faire découvrir l’école ; ainsi qu’à M. Jack Lang, commanditaire de l’école durant son mandat au Ministère de la Culture en 1982, pour demander son soutien et sa présence avec les ministres.
Les Lettres


Du 26/09 au 17/10
Les élèves passent plusieurs appels téléphoniques à la DGCA qui restent sans réponses. M. Jack Lang envoie sa réponse et discute par téléphone avec M. F. Riester, Ministre de la Culture actuel.

17/10
Les élèves reçoivent une réponse à l’invitation de M. le Ministre de l’Industrie et de l’Économie précisant qu’il n’aura pas le temps de venir les rencontrer. Il précise que le dossier relève des attributions du Ministre de la Culture.

21/10
Les élèves reçoivent un mail de la part de la DGCA annonçant que le processus de nomination de M. R. Fenzy est lancé. Une assemblée générale des élèves est immédiatement organisée. La décision est prise de maintenir l’opposition à la nomination de M. R. Fenzy et au processus de nomination du ministère. Les étudiant.e.s décident de mettre en place une mobilisation à partir de début novembre pour protester et refuser l’arrivée de M. R. Fenzy.

Du 22 au 31/10
Un petit groupe d’élèves planifie et organise un programme pour la mobilisation. En même temps, ils.elles essaient de joindre par téléphone M. R. Fenzy pour le prévenir des événements à venir dans un souci de transparence. M. R. Fenzy ne répond pas.

4ème période : Préparation


31/10
Les élèves vont acheter des parpaings avec la camionnette de l’école et de l’argent prêté par le BDE.
"Départ avec la camionnette de l’école avec à bord trois élèves à destination du Bricoman d’Aulnay-sous-bois afin d'acquérir avec 120€ prêté par le BDE, le matériel nécessaire à la construction du mur, c’est-à-dire 3 sac de mortier de 35Kg et 120 parpaing à cloison (soit 1,2T). Il a fallu 4h pour faire l’aller retour.
Combien pèse donc un parpaing ?"


2 et 3/11
Un mur d’une centaine de parpaings est construit à l’entrée de la cour pour symboliser l’opposition des élèves à l’arrivée d’un nouveau directeur. Par souci de sécurité les élèves ont consulté l’intendance afin d’être certain.e.s que ce mur respecte les normes de sécurité incendie et permette le passage. Le bureau de la direction est lui condamné avec trois planches (les portes du bureau du.de la directeur.ice et du bureau adjacent ainsi que de la terrasse. L’accès était donc complètement impossible) sur lesquelles les élèves écrivent “maintenant vous êtes au pied du mur”.
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5ème période : Semaine blocage



Lundi 4 /11
Le rendez-vous est donné aux élèves à 10h. À 9h une dizaine d’étudiant.e.s se sont retrouvé.e.s pour préparer la première journée de mobilisation. À 10h plusieurs étudiant.e.s proposent une lecture collective des archives de la grève de 2001 à la vingtaine d’étudiant.e.s présent.e.s.
Trois petits groupes de travail s’organisent ensuite, une équipe Archive qui part à la recherche d’informations sur les précédentes mobilisations ensciennes, une team Visibilité qui réfléchit à la manière de rendre visible la mobilisation sur la façade de l’école et une équipe Organisation qui prépare la suite de la semaine.
Après un repas préparé par des élèves, les équipes partagent leurs résultats : un gros pdf pour la team Archive, un plan pour la façade qui interroge notre futur directeur.ice sur ses responsabilités par la team Visibilité et de nouveaux.elles intervenant.e.s et projets pour l’équipe Orga. On apprend aussi par Mme A. Nougier que le ministère menace de porter plainte pour dégradation à cause des planches vissées sur la porte du bureau de la direction. Nous n’avons pas beaucoup été habitué à la concertation depuis le début du mouvement, ça ne change pas.

À 15h, temps fort. Une conférence est organisée devant le mur avec Tony Côme, historien du design, et M. P. Bouchain, architecte et co-fondateur de l’ENSCI. Une petite centaine de personne est présente à ce moment là, devant le mur. M. P. Bouchain nous parle des origines du projet de l’ENSCI, de l’utopie qu’elle incarnait et nous donne des idées et pleins de choses à imaginer ou ré-imaginer.

“L’ENSCI devait être une école dans laquelle on enseigne pas, voire même une école sans lieu !”

“Cette école est en rupture tous les 3 ou 5 ans. Et c’est à chaque fois l’occasion de revenir sur ses fondements.”

“L’ENSCI, c’est une école qui disparaît sans cesse pour renaître sur elle même”
“Il ne devait y avoir enseignement que si il y avait d’abord un projet.”

M. T. Côme nous parle ensuite de l’institut de l’environnement, un autre projet d’école utopique, plus éphémère que l’ENSCI.

La journée se termine sur une longue Agora. L’occasion de revenir sur le travail des différentes équipes, de préciser les intentions de notre mobilisation et de commencer à formaliser des revendications non seulement contre le ministère, mais aussi de transformation interne. Commence également à se poser la question du dialogue, ou non, avec M. R. Fenzy. Il est voté d’écrire une lettre aux membres de la pédagogie et du personnel pour leur proposer de rejoindre la mobilisation, de poursuivre le travail sur la façade et d’organiser un atelier pour imaginer notre propre projet de direction.

Mardi 5/11
Le matin, un noyau d’élèves mobilisé.e.s prépare les ateliers de l’après-midi et une équipe continue de peindre la façade avec du blanc de Meudon. À 13h30, deux militant.e.s du syndicat Solidaire Etudiant.e.s Sciences Po viennent parler de leur expérience de l’autogestion et des mobilisations étudiantes.

“Il faut mandater, responsabiliser, quitte à révoquer le mandaté s’il se trouve dans l’incapacité de répondre à ses fonctions.” - “N’oubliez pas de prendre en compte la bonne foi de l’autre dans le débat, d’être bienveillant·e” - “Attention au vote, il créer des gagnant·es et des perdant·es”.


15h30, c’est le début du Grand Battle. Deux équipes, composées d’élèves et de membres du personnels, imaginent chacune un projet de direction pour l’ENSCI du futur. Chaque équipe a une série de contrainte (une école nomade ou sédentaire, un contexte d’effondrement ou de décroissance, etc.). Pendant une heure et demi, la vingtaine de participant.e.s planche sur leur scénario, imagine les grandes lignes de leur projet pédagogiques, raconte la vie de leur vision de l’ENSCI. À 17h c’est l’heure de la battle. Le mur s’est transformé en plateau avec projecteur pour accueillir le débat. Chaque équipe défend son projet pendant une demi-heure. Une ENSCI hors les murs, qui s’organisent chaque semestre autour d’un territoire, de ses matériaux et de celleux qui l’habitent affronte une ENSCI en autonomie, pleine d’utopie, restée dans notre beau bâtiment. Après la battle, le public est invité à remplir un petit papier en indiquant les trois mesures que prendrait son ou sa directeur.ice idéale. On récolte une centaine de propositions pour faire évoluer l’ENSCI.
Note du grand battle



Après la Battle, M. J. Ferreira, ancien éleve de l’ENSCI ayant candidaté à la direction de l’école en 2015, vient nous parler de sa vision de l’école. Son intervention dérive peu à peu en Agora avec une trentaine ou une quarantaine de personnes. On commence à mettre en place des méthodes de répartition de la parole, inspirée par les méthodes d’Extinction Rebellion. Les débats tournent beaucoup autour des sujets internes, de la mobilisation des élèves qui ne s’intéressent pas encore au mouvement en cours et des idées pour la suite de la mobilisation. Des ancien.nes élèves, initiateur.ices de la jaunisse en 2013 viennent nous parler de leur expérience et nous conseiller sur les prochaines étapes à mettre en place, notamment la médiatisation de notre mobilisation et de la mobilisation des ancien.nes. Les revendications des élèves pour l’école commencent à se construire, ainsi que leur communication avec le ministère.

  • L’articulation entre les revendications internes et envers les ministères commence à se construire.

Mercredi 6/11
Le matin et le début d’après-midi sont principalement occupés par la préparation des journées suivantes. À 11h Mme A. Midal organise la projection d’un de ses documentaires sur le design et la politique. À 15h30, Mme C. Houdart, enseignante du studio écriture à l’ENSCI vient nous aider à écrire un communiqué de presse et à mettre en forme nos différents travaux.

À 17h30, des nouvelles du ministères sont apportées par Mme A. Nougier. La menace de plainte est levée suite à un envoi de photos qui prouvent que rien n’a été dégradé de manière trop importante. Le mur dans la cour est accepté et le ministère nous félicite même pour notre fair-play et notre attention à la sécurité.
On apprend aussi que Mme A. Nougier a reçu un appel de M. R. Fenzy. Il l’informe qu’il est en train de construire un projet, en collaboration avec Mme S. Diakité, présidente du Conseil d’Administration. Mme A. Nouguier insiste pour que le programme de l’école soit construit avec les élèves et le personnels, et pas juste par deux personnes.
  • M. R. Fenzy décrète aussi à Mme A. Nouguier qu’il n’a jamais reçu de messages, d’appels ou de messages vocaux de la part des élèves. Pourtant, ils et elles ont au moins laissé un SMS et un message vocal. Les doutes sur M. R. Fenzy continuent donc de s’ajouter puisque il donne de plus en plus d’informations contradictoires à ses différents interlocuteurs. Ils et elles apprennent aussi que M. R. Fenzy propose un entretien téléphonique le lendemain.

À 18h, M. A. Camus, ancien de l’ENSCI engagé chez Extinction Rébellion, vient organiser un atelier sur la stratégie d’action. Il y parle de théorie du changement qui pousse à se poser la question du pouvoir et de l’impact des actions des élèves. L’objectif est d’éviter de mettre en place des actions caricaturales, sans réelles portée (projet manifeste, etc.).
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Il est décidé de scotcher au mur les propositions d’améliorations de l’ENSCI retransmises pendant le Grand Battle de la veille. Le mur étant en plein milieu de l’entrée de la cour, impossible de les louper. Les gens commencent à les lire et même à en rajouter !

Pour l’Agora du soir, le sujet principal est la position à adopter face à M. R. Fenzy après les nouvelles de l’après-midi. Les participant.e.s doivent trancher leur position face à l’annonce de l’écriture de son nouveau projet et sur sa proposition d’entretien téléphonique. Avant ces débats, ils et elles reçoivent Mme A. Chiron et M. A. Mussche, ancien.e de l’ENSCI et habitué.e des sujets de design des politiques publiques ou des organisations. Mme A. Chiron explique qu’elle avait proposé un atelier de projet de redesign de l’organisation de l’ENSCI mais qu’il n’avait pas été rendu possible. Elle interroge sur la stratégie à adopter : est-ce que l’école ne risque pas de tout perdre en refusant le dialogue avec M. R. Fenzy ? Elle encourage aussi à penser davantage ce qu’est un.e étudiant.e de l’ENSCI. Après cette intervention, l’Agora peut commencer. De plus en plus organisé.e.s, les organisateur.ice.s ont cette fois-ci un ordre du jour avant même le début, ainsi qu’un facilitateur et des secrétaires. Ils et elles commencent par les nouvelles de la journée. La publication d’un article sur le mouvement sur le site de l’école, la demande des textiles de les intégrer davantage au mouvement et les avancées sur la rédaction de l’historique du mouvement qui légitime notre mobilisation. Un long débat s’engage sur la position à adopter par rapport à M. R. Fenzy. La tendance est rapidement au refus du dialogue, tendance mesurée avec la première, mais pas la première, prise de température. Une fois cette question réglée, il faut clarifier les revendications auprès des ministères de tutelles. Le débat tourne autour du rôle du CA, de la place de l’ENSCI dans la sélection de la direction. Le choix est fait de revendiquer le respect de la décision du CA : un vote favorable pour les candidatures de M. E. Mahé et de Mme J. Gaillhoustet et le rejet de la candidature de M Fenzy. Il est également décidé de communiquer à M. R. Fenzy le refus de communiquer avec lui désormais, considérant que l’interlocuteur légitime est le ministère.

Jeudi 7/11
La journée est chargée en interventions. Elle commence à 11h30 par une projection de Ethics for Design, un documentaire sur le design engagé réalisé par M. G. Roussilhe, qui intervient dans l’après-midi. À 13h, c’est Mme L. Pandelle et M. J. Defait, designers chez la 27ème région, qui viennent parler design des politiques publiques et encourager les éleves à designer leur propre école. L’intervention permet aussi de les interroger sur les modes de dialogues avec les institutions et les administrations.

À 14h, M. A. Fouillet, enseignant en philosophie du design à l’ENSC vient parler du rapport aux questions politiques des designers. Tout en citant Hannah Arendt, Vilem Flusser et Norman Potter, il invite à se saisir des questions sociales, à repenser l’école et à vivre la révolte comme une fête. Et pour conclure sur une citation de Damasio, il nous explique que l’important, c’est que les choses virevoltent, que la vraie générosité vers l’avenir se joue dans le présent. M. G. Roussilhe, designer lui aussi, qui travaille beaucoup autour des questions écologiques, rejoint ensuite le débat. Son intervention invite les élèves à prendre leurs responsabilités face à la crise climatique et à cesser la demi-mesure : penser le design dans la perspective d’une limitation du réchauffement climatique à 1,5°, ce qui demande des changements drastiques. Il parle du lien entre design, énergie, économie et sciences humaines ainsi de l’absence de ces disciplines dans la formation des designers. Il parle aussi d’argent, de la manière dont il pense son modèle économique. Et pour ça, il montre même directement ses comptes.

La journée se poursuit sur une relecture de toutes les propositions de changement interne qui ont été scotchées au mur depuis la veille. Une synthèse est effectuée et des A3 sont scotchés au mur, ils reprennent les propositions et permettent de voter avec des gommettes pour celles qui nous semblent les plus pertinentes.

La soirée se termine avec une projection organisée par la FOUF (Fédération des Ovnis ) .

Vendredi 8/11
À 15h30 M. S. Marchal, ancien étudiant de l’ENSCI entre 1998 et 2002, rejoint les élèves devant le mur. Aujourd’hui designer graphique, il a integré le militantisme à sa pratique. Il nous parle d’image politique, d’engagement en tant que designer et nous offre un paquet des affiches qu’il a réalisé !

À 20h, c’est l'évènement, Radio Charrette revient pour un live exceptionnel au pied du mur. Les animateurs survoltés de l’émission préférée des enscien.nes animent un live de folie devant un public déchiré à la poudre de lab et dans la tourmente de la révolte.

L’émission de Radio Charrette


Week-end du 11/11
Suite aux messages de soutien de nombreuses personnes extérieures à l’école (dont Arles), les élèves décident de préparer un dossier de presse pour le diffuser le plus largement possible afin de médiatiser la mobilisation et ses enjeux.

12/11
Les élèves envoient des mails à M. R. Fenzy et au ministère de la culture pour les informer à nouveau de leurs revendications : la prise en compte de l’avis du CA du 5 juillet et le refus de considérer M. R. Fenzy comme un interlocuteur. Un dossier de presse est envoyé à nos nombreux contacts.

  • 6ème péripode : Entre deux


14/11
Le ministère de la culture envoie à Mme A. Nouguier l’arrêté de nomination nommant M. R. Fenzy directeur de l’ENSCI à compter de mercredi 13 novembre. Les élèves reçoivent un appel de Mme S. Tarsot-Gillery (DGCA). Elle demande de recevoir une délégation de l’école le lundi 18 novembre à 18h.

15/11
  • Suite à l’arrêté les élèves organisent une Agora. La discussion avec les élèves et les membres du personnel présent.e.s amène à décider, à l’unanimité, un blocage total de l’école.
Agora 15/11


7ème période : Blocage Total


18/11
Dès 6 heures du matin, les élèves – dont certain.e.s sont resté.e.s la nuit afin d’assurer le début du blocage – lancent le blocage de l’école.
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Les membres du personnel se réunissent à leur arrivée et décident collectivement de soutenir les élèves dans cette démarche. Le rez-de chaussée devient un espace d’échange et de proposition, la vie quotidienne de l’école est mise sur pause. La salle Vienot I est investie pour se réunir en Agora. Il est décidé que le blocage serait maintenu jusqu’à ce que le ministère entende les revendications de l’école et propose une réelle alternative à M. R. Fenzy. À 18h la réunion voulue par la DGCA a lieu avec une délégation de 4 représentant.e.s d’élèves et 4 représentant.e.s du personnel. Dehors, d’autres élèves et personnels manifestent silencieusement avec deux grandes banderoles affublées du slogan : “CA ignoré, ENSCI bloquée”. La DGCA suggère à nouveau d’accueillir M. R. Fenzy à l’école pour un débat, affirmant que la seule solution possible à cette impasse soit qu’il renonce à son poste. Elle demande aussi d’organiser une rencontre avec Mme S. Diakité. La conclusion de l’échange n’est toujours pas convaincante, l’école maintient le blocage.

19/11
Les élèves continuent de bloquer l’entrée de l’école dès 7h le matin. À 10h, une première agora est organisée pour parler de la réunion de la veille. Il y est voté de ne pas répondre à la demande de la DGCA et donc de ne pas rencontrer M. R. Fenzy. Des groupes de travail sont ensuite créés pour discuter de l’avenir de la mobilisation : communiqué de presse, stratégie à adopter avec les ministères, revendications etc…
Mme S. Diakité annonce sa venue à 18h à l’école, malgré la décision prise de ne pas la rencontrer. Une délégation d’élève s’organise pour prendre contact avec elle dans le hall d’entrée car la discussion ne peut pas être évitée. Au bout de 45 minutes, des élèves rappellent à la délégation qu’il avait été voté de ne pas ouvrir le dialogue. La discussion se termine.

20/11
M. R. Fenzy arrive à l’improviste à l’école à 9h30. D’abord surpris.e.s les élèves présent.e.s décident de maintenir le blocage et lui demande cordialement de sortir du hall d’entrée. Il demande à rencontrer une partie du personnel dehors, ce qui est fait.

  • Au bout de 30 minutes, le personnel rejoint les élèves en Agora et disent ne pas l’avoir trouvé convainquant. Il est alors voté de recevoir M. R. Fenzy pour une dernière présentation de son projet. Les personnes présentes à l‘école s’organisent collectivement pour préparer son arrivé : modalité de la rencontre, scénographie, retranscription etc…
Après une mise en commun du travail des différents groupes, il est décidé de rencontrer M. R. Fenzy à 16h selon les modalités suivantes : une première phase de présentation libre, puis une deuxième phase de réponse à des questions des élèves et du personnel dans un temps imposé. Afin de ne pas rentrer dans un débat et d’éviter malentendus et confrontations, le public ne doit pas réagir aux propos de M. R. Fenzy. Un mail lui est envoyé pour qu’il prenne connaissance de ce format et qu’il ait le temps de s’y préparer.
Les questions posées sont les suivantes :

1 Quelles sont les enjeux actuels du design selon vous ?
2 Qu´est ce qui fait la singularité de l’ensci à vos yeux ?
3 Quelle vision de l’ensci pour demain ?
4 Selon vous, quel type de partenariat pourrait enrichir l’école ?
5 Quelle est votre vision de l’Ensci à l’international ?
6 Quelles sont vos motivations concrètes à être directeur de l’Ensci ?
7 Au vu de la situation actuelle, comment imagineriez-vous diriger l’école sans avoir l'approbation des élèves et du personnel ?

À la dernière question, M. Fenzy promet de retirer sa candidature au poste de directeur de l’ENSCi s’il n’est pas accepté après cette rencontre.
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Une nouvelle Agora est ensuite organisée. M. R. Fenzy n’a toujours pas convaincu les membres de l’école. Il est voté à l'unanimité de ne pas soutenir sa nomination. Mme A. Nouguier transmet cette information à M. R. Fenzy. Il lui annonce sa démission oralement.
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21/11
Il est décidé collectivement lors de l’agora du matin de maintenir le blocage tant que la démission de M. R. Fenzy n’est pas rendu officielle par les ministères. Cependant il reste encore beaucoup de travail et chaque personne présente est mise à contribution : rédaction d’une lettre officielle annonçant la décision de l’école aux tutelles, M. R. Fenzy et Mme S. Diakité, retranscription du discours de M. R. Fenzy etc… Un autre groupe est mobilisé pour discuter de la suite du blocage.

22/11
Une réunion est organisée pour définir la suite de la mobilisation. Les personnes n’ayant pas participé jusque là sont invitées à venir pour que le plus de personnes possible prennent part aux décisions. Une activité est ensuite lancée. 6 groupes travaillent sur différents types de mobilisation pour la suite. Deux d’entre eux travaillent sur les modalités d’une mobilisation totale, deux autres sur une mobilisation partielle et les deux derniers sur une mobilisation volontaire.
Pour mettre en commun leurs recherches, une grille est mise en place (voir point méthode)
L’après midi est dédiée à la restitution des groupes de travail. Éclairé par leur retour, les personnes présentes lors de l’Agora décident collectivement le futur de la mobilisation. Après un long vote il est décidé de banaliser les cours sans partenariats de la semaine d’après et de relancer les ateliers de projets et studios.
De plus, il est voté qu’une quinzaine d’élèves prêt.e.s à s’investir quittent leurs ateliers de projet dès la semaine d’après pour préparer la rencontre avec le CA le 9 décembre, et plus généralement pour essayer d’apporter des réponses aux problèmes soulevés pendant la semaine. C’est le début de l’Atelier qui s’invite.


8ème période : Semi-blocage, fin du mouvement, naissance atelier qui s’invite


25/11
À 9h 30, une délégation d’élèves et personnels rencontre la DGCA et l’industrie au sein de l’école. Ils valident la décision prise de continuer à travailler sur la nomination de la direction à l’école mais des échéances sont posées :
9 Décembre les propositions de processus de nomination doivent être présenté au CA
Début janvier appel à candidature (mieux diffusé) pour directeur pour la rentrée début de l’année prochaine
Été/Rentrée prochaine Nouvelle direction

Les cours sont banalisés pour la semaine afin de lancer les différents chantiers sur lesquels les élèves désirent travailler. L’ensemble est animé par le groupe de volontaire du nouvel atelier de projet.
Les groupes de travail sont les suivants :
La singularité de l’école
La gouvernance (et tambouille interne)
Le processus de nomination de la direction

En parallèle, les élèves écrivent une note d’intention et discutent avec la pédagogie de la création de l’atelier qui s’invite.

26/11
Chute du mur.

Méthodes

Explication de l'agora et des méthodes utilisées

Conclusion

Après cinq mois de dialogue compliqués avec les tutelles, l'école est parvenue, grâce à la cohésion entre élèves et personnel, à faire entendre son désaccord. Cependant, même si M. Rémy Fenzy a finalement renoncé au poste de directeur de l'ENSCI, cette nomination a mis en lumière des dysfonctionnements récurrents depuis deux décennies. C’est peut-être le processus de nomination lui-même qui doit être discuter plutôt que les candidatures qui en sont issues. L’épisode de l’Ensci fait le mur s’arrête ici mais obtenir le départ d’une direction n’est pas une fin satisfaisante. C’est en créant un nouveau cadre de réflexion comme celui de l’Atelier qui s’invite que nous allons pouvoir traiter de ces problématiques plus en profondeur.
L’ensemble du travail de l’Atelier qui s’invite sera présenté dans un deuxième volume intitulé “l’Ensci en chantier.