10 La magie de la ville


Bien peu de gens n'apprécient pas la magie d'une grande ville. Mais l'étalement urbain contemporain supprime cette magie, sauf pour les rares personnes qui ont assez de chance, ou qui sont assez riches, pour vivre à proximité des plus grands centres.

Cela est courant dans toute zone urbaine structurée autour d'un noyau unique à forte densité. Les terrains proches du centre coûtent cher et peu de gens peuvent vivre assez près pour avoir un véritable accès à la vie sociale et culturelle de la ville. La plupart des gens vivent loin du centre. Ils sont pratiquement en banlieue et n'ont qu'un accès occasionnel à la vie de la ville. Ce problème ne peut être résolu qu'en décentralisant le noyau pour former une multitude de noyaux plus petits, chacun consacré à un mode de vie particulier, de sorte que, même s'il est décentralisé, chacun reste intense et reste un centre pour l'ensemble de la région.

Le mécanisme qui permet de créer un seul noyau isolé est simple. Les services urbains ont tendance à attirer des habitants. Ainsi les restaurants, les théâtres, les magasins, les carnavals, les cafés, les hôtels, les boîtes de nuit, les divertissements, les services spéciaux, ont tendance à se regrouper. Ils le font parce que chacun veut s'installer là où se trouve le plus grand nombre de personnes. Dès qu'un noyau s'est formé dans une ville, chacun des services intéressants - surtout ceux qui sont les plus intéressants et qui nécessitent donc le plus grand bassin de captage - se situe dans ce seul noyau. Le noyau unique continue à se développer. Le centre-ville devient énorme. Il devient riche, varié, fascinant. Mais progressivement, à mesure que la zone métropolitaine s'étend, la distance moyenne entre une maison individuelle et ce centre unique augmente ; et la valeur des terrains autour du centre augmente tellement que les maisons sont chassées de là par les magasins et les bureaux - jusqu'à ce que bientôt plus personne, ou presque personne, ne soit vraiment en contact avec la magie qui se crée jour et nuit dans ce centre solitaire.

Le problème est clair. D'une part, les gens ne déploient que peu d'efforts pour obtenir des biens et des services et assister à des événements culturels, même les meilleurs. D'autre part, la véritable variété et le choix ne peuvent se produire que là où il y a une activité concentrée et centralisée ; et lorsque la concentration et la centralisation deviennent trop importantes, alors les gens ne sont plus disposés à prendre le temps d'y aller.

Si nous voulons résoudre le problème en décentralisant les centres, nous devons nous demander quelle est la population minimale qui peut supporter un quartier d'affaires central avec la magie de la ville. Otis D. Duncan "The Optimum Size of Cities" (C:ities and Society,P. K. Hatt et A. J. Reiss, eds., New York : The Free Press, 1967, pp. 759-72), montre que les villes de plus de 50 000 habitants ont un marché suffisamment grand pour accueillir 61 types de magasins de détail différents et que les villes de plus de 100 000 habitants peuvent accueillir des magasins de bijoux, de fourrure et de mode sophistiqués. Il montre que les villes de 100 000 habitants peuvent soutenir une université, un musée, une bibliothèque, un zoo, un orchestre symphonique, un journal quotidien, une radio AM et FM, mais qu'il faut une population de 250 000 à 500 000 habitants pour soutenir une école professionnelle spécialisée comme une école de médecine, un opéra ou tous les réseaux de télévision.

Dans une étude sur les centres commerciaux régionaux de la zone métropolitaine de Chicago, Brian K. Berry a constaté que les centres comprenant 70 types de magasins de détail desservent une population d'environ 350 000 personnes (Geography of Market Centers and Retail Distribution,New Jersey : Prentice-Hall, 1967, p. 47) . T. R. Lakshmanan et Walter G. Hansen, dans "A Retail Potential Model" (American Institute of Planners Journal, mai 1965, p. 134-43), ont montré que des centres à grande échelle avec une variété de services de détail et professionnels, ainsi que des activités récréatives et culturelles, sont réalisables pour des groupes de 100 000 à 200 000 personnes.

Il semble donc tout à fait possible d'obtenir des fonctions urbaines très complexes et très riches au cœur d'un bassin de captage qui ne dessert pas plus de 300 000 personnes. Comme, pour les raisons évoquées précédemment, il est souhaitable d'avoir le plus grand nombre de centres, nous proposons que la ville-région ait un centre pour 300 000 personnes, les centres étant largement répartis parmi la population, de sorte que chaque personne dans la région soit raisonnablement proche d'au moins un de ces grands centres.

Pour rendre cela plus concret, il est intéressant de se faire une idée de l'étendue des distances entre ces centres dans une région urbaine typique. À une densité de 5000 personnes par mile carré (la densité des parties les moins peuplées de Los Angeles), la zone occupée par 300 000 personnes aura un diamètre d'environ neuf miles ; à une densité plus élevée de 80 000 personnes par mile carré (la densité du centre de Paris), la zone occupée par 300 000 personnes a un diamètre d'environ deux miles. D'autres modèles suggèrent une ville beaucoup plus dense que Los Angeles, mais un peu moins dense que le centre de Paris. Nous prenons donc ces estimations brutes comme limites supérieure et inférieure. Si chaque centre dessert 300 000 personnes, ils seront distants d'au moins deux miles et probablement pas plus de neuf miles.

10 Magic of the city

There are few people who do not enjoy the magic of a great city. But urban sprawl takes it away from everyone except the few who are lucky enough, or rich enough, to live close to the largest centers.

This is bound to happen in any urban region with a single high density core. Land near the core is expensive; few people can live near enough to it to give them genuine access to the city's life; most people live far out from the core. To all intents and purposes, they are in the suburbs and have no more than occasional access to the city's life. This problem can only be solved by decentralizing the core to form a multitude of smaller cores, each devoted to some special way of life, so that, even though decentralized, each one is still intense and still a center for the region as a whole.

The mechanism which creates a single isolated core is simple. Urban services tend to agglomerate. Restaurants, theaters, shops, carnivals, cafes, hotels, night clubs, entertainment, special services, tend to cluster. They do so because each one wants to locate in that position where the most people are. As soon as one nucleus has formed in a city, each of the interesting services - especially those which are most interesting and therefore require the largest catch basin locate themselves in this one nucleus. The one nucleus keeps growing. The downtown becomes enormous. It becomes rich, various, fascinating. But gradually, as the metropolitan area grows, the average distance from an individual house to this one center increases; and land values around the center rise so high that houses are driven out from there by shops and offices - until soon no one, or almost no one, is any longer genuinely in touch with the magic which is created day and night within this solitary center.

The problem is clear. On the one hand people will only expend so much effort to get goods and services and attend cultural events, even the very best ones. On the other hand, real variety and choice can only occur where there is concentrated, centralized activity; and when the concentration and centralization become too great, then people are no longer willing to take the t-me to go to it.

If we are to resolve the problem by decentralizing centers, we must ask what the minimum population is that can support a central business district with the magic of the city. Otis D. Duncan "The Optimum Size of Cities" (C:ities and Society,P. K. Hatt and A. J. Reiss, eds., New York: The Free Press, 1967, pp. 759-72), shows that cities with more than 50,000 people have a big enough market to sustain 61 different kinds of retail shops and that cities with over 100,000 people can support sophisticated jewelry, fur, and fashion stores. He shows that cities of 100,000 can support a university, a museum, a library, a zoo, a symphony orchestra, a daily newspaper, AM and FM radio, but that it takes a population of 250,000 to 500,000 to support a specialized professional school like a medical school, an opera, or all of the TV networks.

In a study of regional shopping centers in metropolitan Chicago, Brian K. Berry found that centers with 70 kinds of retail shops serve a population base of about 350,000 people (Geography of Market Centers and Retail Distribution,New Jersey: Prentice-Hall, 1967, p. 47) . T. R. Lakshmanan and Walter G. Hansen, in "A Retail Potential Model" (American Institute of Planners Journal,May 1965, pp. 134-43), showed that full-scale centers with a variety of retail and professional services, as well as recreational and cultural activities, are feasible for groups of 100,000 to 200,000 population.

It seems quite possible, then, to get very complex and rich urban functions at the heart of a catch basin which serves no more than 300,000 people. Since, for the reasons given earlier, it is desirable to have as many centers as possible, we propose that the city region should have one center for each 300,000 people, with the centers spaced out widely among the population, so that every person in the region is reasonably close to at least one of these major centers.

To make this more concrete, it is interesting to get some idea of the range of distances between these centers in a typical urban region. At a density of 5000 persons per square mile (the density of the less populated parts of Los Angeles) the area occupied by 300,000 will have a diameter of about nine miles; at a higher density of 80,000 persons per square mile (the density of central Paris) the area occupied by 300,000 people has a diameter of about two miles. Other patterns in this language suggest a city much more dense than Los Angeles, yet somewhat less dense than central Paris - Four-Story Limit (21), Density Rings (29). We therefore take these crude estimates as upper and lower bounds. If each center serves 300,000 people, they will be at least two miles apart and probably no more than nine miles apart.

One final point must be discussed. The magic of a great city comes from the enormous specialization of human effort there. Only a city such as New York can support a restaurant where you can eat chocolate-covered ants, or buy three-hundred-year-old books of poems, or find a Caribbean steel band playing with American folk singers. By comparison, a city of 300,000 with a second-rate opera, a couple of large department stores, and half a dozen good restaurants is a hick town. It would be absurd if the new downtowns, each serving 300,000 people, in an effort to capture the magic of the city, ended up as a multitude of second-class hick towns.

This problem can only be solved if each of the cores not only serves a catch basin of 300,000 people but also offers some kind of special quality which none of the other centers have, so that each core, though small, serves several million people and can therefore generate all the excitement and uniqueness which become possible in such a vast city.

Thus, as it is in Tokyo or London, the pattern must be implemented in such a way that one core has the best hotels, another the best antique shops, another the music, still another has the fish and sailing boats. Then we can be sure that every person is within reach of at least one downtown and also that all the downtowns are worth reaching for and really have the magic of a great metropolis.

Put the magic of the city within reach of everyone in a metropolitan area. Do this by means of collective regional policies which restrict the growth of downtown areas so strongly that no one downtown can grow to serve more than 300,000 people. With this population base, the down, towns will be between two and nine miles apart.




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