using this book (pourquoi une traduction critique ?)


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A pattern language est un livre collectif dirigé par l’architecte Christopher Alexander et publié en 1977. Ouvrage phare dans les milieux académiques et professionnels anglophones de la fin du XXème siècle, il n’a jamais été traduit en français. Le texte est marqué par les théories du langage (linguistique). L’architecture et la ville y sont considérées comme des assemblages signifiants de motifs, à la manière d’un texte composé de mots formant des phrases.

Dans ce livre la conception architecturale n’est donc pas appréhendée comme un exercice de résolution de problème mais comme une tâche d’expression. L’architecte agit comme un écrivain, et ce livre propose un dictionnaire des situations qui font la ville. Il est destiné à tous les publics.

Les motifs décrits dans le livre sont des sortes de fragments d’architecture vécue, ce sont des unités indépendantes sans lien déterminé entre elles et sont décrites sous la forme d’une liste non hiérarchisée, elle-même inachevée car le lecteur est invité à poursuivre cet inventaire. Aucun modèle ne préside à l’utilisation de ces 243 motifs indépendants qui constituent le livre.

Le mot pattern dans le livre articule deux principes : la récurrence (un motif provient de l’observation de la vie sociale et des invariants qui s’y retrouvent), l’exemplarité (un motif provient d’un jugement sur l’intérêt de la situation vécue). Ce terme oscille également entre deux pôles : une visée fonctionnelle (des motifs-recettes), une visée thématique (des motifs-principes généraux). Enfin, les patterns sont considérés comme les mots d’un langage et à ce titre ils sont complets (signifiants et « totipotents » ), c’est à dire qu’ils désignent des situations qui contiennent tous les aspects de l’architecture à l’échelle du pattern lui-même (usage, espace, réalisation matérielle, réalité perceptive). Ce sont des petits mondes (Nelson Goodman « manières de faire des mondes ») Paradoxalement, du fait de son organisation éditoriale, le livre obéit à un découpage scalaire de l’architecture et de la ville, partant du phénomène de grande taille (le pays, la région etc.) pour aboutir graduellement au détail (objets de décoration sur une table). Ce qui conduit à penser que la « totipotence » des patterns n’est pas entièrement assumée par les auteurs. Comme dans tout dictionnaire, chaque mot doit être considéré indépendamment des autres afin de laisser libre cours à tout assemblage.

Aujourd’hui, par ce wiki ouvert, l’atelier Learning From propose un chantier de traduction critique en français du livre de Alexander. Le qualificatif « critique » est ajouté pour trois raisons :
1. Nous voudrions une traduction qui assume complètement le caractère indifférencié, horizontal, multiple et fragmentaire que nous percevons dans le livre original. Cette idée nous conduit à ne pas retenir les principes de grammaire générative qui sont présents dans l’ouvrage initial. Nous ne suggérons donc aucune règle d’assemblage, aucune grammaire, ni aucune bonne manière de réunir les situations élémentaires.
2. La dimension critique de la traduction doit apparaître dans chaque contre-description qui est associée à chaque traduction. Cette description critique peut réunir des discussions sous forme de textes et citations, des photographies pour une illustration contemporaine du motif, des documents vidéographiques et même des dessins de projet de l’atelier.
3. La participation de tout lecteur à l’amélioration des traductions et aux recherches d’exemples de motifs, nous semble être une façon intéressante de poursuivre le chantier ouvert par Alexander. Il s’agit de mettre en place un processus continu de partage de connaissances et de réflexion publique sur l’architecture mais une réflexion précise, située et contextuelle.