204 Endroit secret



Où peut-on exprimer le goût du secret, le besoin de se cacher, le besoin, pour les choses qui nous sont précieuses, de pouvoir être oubliées et puis, dans un nouvel éclat, splendides, retrouvées?

Nous pensons que les gens ont besoin de vivre avec un lieu secret dans leur maison : un lieu qui est utilisé de manière spéciale et qui n'est révélé qu'à des moments très particuliers.

Vivre dans une maison où se trouve un tel endroit modifie votre expérience. Il vous invite à y mettre quelque chose de précieux, à le dissimuler, à ne laisser entrer que certains dans le secret et pas d'autres. Elle vous permet de garder quelque chose de précieux d'une manière entièrement per-sonnelle, de sorte que personne ne puisse jamais le trouver, jusqu'au moment où vous dites à votre ami : "Maintenant, je vais te montrer quelque chose de spécial" - et que vous racontez l'histoire qui se cache derrière.

La réalité de ce besoin est fortement soutenue dans The Poetics of Space de Gaston Bachelard (New York : The Omen Press, 1964). Nous citons le chapitre 3 :

Avec le thème des tiroirs, des commodes, des serrures et des armoires, nous reprendrons contact avec l'insondable réserve de rêves d'intimité.

Les armoires avec leurs étagères, les bureaux avec leurs tiroirs et les commodes avec leurs faux-fonds sont de véritables organes de la vie psychologique secrète. En effet, sans ces "objets" et quelques autres tout aussi appréciés, notre vie intime manquerait d'un modèle d'intimité. Ce sont des objets hybrides, des objets sujets. Comme nous, à travers nous et pour nous, ils ont une qualité d'intimité. . . .

Si nous donnons aux objets l'amitié qu'ils devraient avoir, nous n'ouvrons pas une garde-robe sans un léger départ. Sous son bois roux, une armoire est une amande très blanche. L'ouvrir, c'est vivre un événement de blancheur.

Une anthologie consacrée aux petites boîtes, telles que les coffres et les cercueils, constituerait un chapitre important de la psychologie. Ces pièces complexes qu'un artisan crée sont des témoins très évidents de la nécessité du secret, d'un sens intuitif des cachettes. Il ne s'agit pas seulement de garder un objet bien gardé. Il n'existe pas de serrure qui puisse résister à une violence absolue, et toutes les serrures sont une invitation aux voleurs. Une serrure est un seuil psychologique. . . .

204 Secret Place

Where can the need for concealment be expressed; the need to hide; the need for something precious to be lost, and then revealed?

We believe that there is a need in people to live with a secret place in their homes: a place that is used in special ways, and revealed only at very special moments.

To live in a home where there is such a place alters your experience. It invites you to put something precious there, to conceal, to let only some in on the secret and not others. It allows you to keep something that is precious in an entirely per- sonal way, so that no one may ever find it, until the moment you say to your friend, "Now I am going to show you something special" - and tell the story behind it.

There is strong support for the reality of this need in Gaston Bachelard's The Poetics of Space (New York: The Omen Press, 1964). We quote from Chapter 3:

With the theme of drawers, chests, locks and wardrobes, we shall resume contact with the unfathomable store of daydreams of intimacy.

Wardrobes with their shelves, desks with their drawers, and chests with their false bottoms are veritable organs of the secret psychological life. Indeed, without these "objects" and a few others in equally high favor, our intimate life would lack a model of intimacy. They are hybrid objects, subject objects. Like us, through us and for us, they have a quality of intimacy. . . .

If we give objects the friendship they should have, we do not open a wardrobe without a slight start. Beneath its russet wood, a wardrobe is a very white almond. To open it, is to experience an event of whiteness.

An anthology devoted to small boxes, such as chests and caskets, would constitute an important chapter in psychology. These complex pieces that a craftsman creates are very evident witnesses of the need for secrecy, of an intuitive sense of hiding places. It is not merely a matter of keeping a possession well guarded. The lock doesn't exist that could resist absolute violence, and all locks are an invitation to thieves. A lock is a psychological threshold. . . .