253 Les choses de notre vie
"Dans ce milieu en devenir permanent que constitue l'architecture et la ville, l'activité humaine quotidienne contribue aux différentes appropriations et transformations du cadre construit. « Nous appelons quotidianisation ce processus d'aménagement matériel du monde incertain en milieu fréquentable » écrit Bruce Bégout en décrivant ce travail d'ajustement technique permanent des hommes à leur environnement.
L'énergie humaine, celle de l'action ordinaire des habitants sur leur propre environnement, peut-elle être considérée à la même hauteur que celle des architectes et des ingénieurs qui le conçoivent ? Quelle place alors et quel rôle doit-on assigner aux technologies de notre temps si l'on exige que celles-ci soient stimulantes et non pas substitutives pour l'action humaine quotidienne des habitants ? Une architecture qui stimule les ruses de la pratique et ces « tactiques quotidiennes » qu'a décrit Michel de Certeau , pose la question écologique en partant du bas.
Cependant la quotidianisation humaine que nous tentons d'analyser à travers nos travaux didactiques est un phénomène social profondément enraciné à la fois dans l'usage et dans la technique. Nous devons entendre en effet ces phénomènes de quotidianisation que décrit Bruce Bégout (et qui relèvent au moins en partie du concept d'autonomie issus de la pensée de John C. Turner ou de Yona Friedman) comme des processus de construction matérielle et technique permanente d'un environnement familier par les individus et les groupements humains.
Or cette réalité immémoriale de l’espace social humain qui relie technique et culture semble aujourd'hui contrariée par certains modes d'équipement technologique de notre cadre bâti et de notre environnement qui tendent systématiquement vers une automatisation des milieux. Il semble en effet que certains types de dispositifs technologiques issus du domaine de l'automatisme (comme la domotique par exemple), cherchent à diminuer l'action directe de l'usager sur son milieu entraînant des effets de dés-implication sociale qui ont été décrits notamment dans le sillage de Henri Lefebvre." (Conception Non Formelle en Architecture, Daniel Estevez, L'Harmattan, 2015)