79 Sa propre maison


"De prime abord, nous ne devrions avoir aucune hésitation à considérer la maison, à la différence de l'arbre, comme un bâtiment, ou un exemple d'architecture. Car à l'évidence, comme l'écrit Maurice Godelier, la maison appartient à "cette part de la nature transformée par l'action et donc la pensée de l'homme [...], elle doit son existence à l'action consciente de l'homme sur la nature" (Godelier 1984, p.13). L'arbre, d'un autre côté, n'avait pas une telle dette envers l'humanité, car il a grandi là, enraciné dans cet endroit, en se contentant de suivre sa propre nature. Mais, à l'examen, cette distinction entre des parties construites et des parties non construites de l'environnement semble bien moins claire. Car la forme de l'arbre n'est pas donnée, elle n'est pas un fait immuable de la nature, pas plus que la forme de la maison n'est imposée par l'esprit humain. [De multiples organismes vivent dans la maison] et tous, à leur manière, contribuent à l'évolution de sa forme, comme le font les habitants humains de la maison en l'entretenant, en la décorant, ou en faisant des travaux structurels pour s'adapter à des circonstances familiales changeantes. [...] [Lorsque la forme] répond à un but humain, et qu'elle est ainsi dissociée du flux de l'activité intentionnelle, la "forme finale" n'est qu'un moment fugace dans la vie d'un élément." (Marcher avec les dragons, Tim Ingold, 2013, éditions Zones Sensibles, p.175-176)

"L’ordre industriel offre à l’individu, à travers la consommation, un statut de figure d’autorité. En effet, plus la consommation est grande et plus elle est personnalisée, plus l’individu jouit de l’endorégulation qui lui est autorisée par l’ordre industriel. On comprend dès lors pourquoi l’idéal urbain formulé dans le mythe pavillonnaire sied autant à l’impératif qui est au cœur de ce qui serait une mythologie capitaliste. Cet idéal et l’endorégulation industrielle de la consommation individuelle ont en fait compté l’un sur l’autre pour se réaliser. En se renforçant mutuellement, ils ont produit une ville centrée sur le pavillon, de même qu’ils ont contribué à forger une société où l’autorité de l’individu est d’autant grande que la consommation est étendue (Legendre, 1999 : 63 et suiv. ; 2004 : 123-124). Or, si la ville pavillonnaire témoigne aujourd’hui d’un dilemme entre un idéal urbain et une critique urbanistique, cela signifie que la société toute entière serait en fait plongée dans un conflit entre consumérisme et démocratie, où s’opposeraient là aussi passion et raison. Dans cette condition, la complémentarité qui existerait entre la consommation et la démocratie, s’il y en a une, ne manquerait donc pas d’être paradoxale. Mais en quoi l’opposition entre consommation et démocratie serait-elle utile au maintien de l’ordre capitaliste ? [...]" (Guy Mercier, La norme pavillonnaire : Mythologie contemporaine, idéal urbain, pacte social, ordre industriel, moralité capitaliste et idéalisme démocratique, pour les Cahiers de géographie du Québec, Volume 50, numéro
140, 2006, p. 227-228.)



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